Pépite #06 - Julie, coach de femmes des mers en Bretagne

 


Dans son âge tendre, Julie Mira s’est amourachée du grand large, jusqu’à devenir professionnelle. Pendant 12 années, elle a vécu d’aventures. Marin, capitaine, aventurière, et femme. Collée à elle, cette dernière caractéristique sans cesse rappelée par les regards incrédules et les croyances vétustes. D’aucuns tentent de la faire vaciller, aussitôt désarçonnés par la confiance et l’humour de Julie. Depuis 4 ans dans ses terres bretonnes, la navigatrice et désormais coach, a fondé Les Marinettes et ambitionne de rendre à l’océan son imaginaire de tous les possibles en poussant les femmes à l’apprivoiser. Marins en puissance, prenez la barre, on vire de bord.

Capitaine de caractère

L’appel du large reste un phénomène étrange et tient pour beaucoup de l’ineffable. L’apaisement d’une ligne de fuite infinie, les frissons d’une tempête, le cahotement du bateau, la danse avec les éléments, tantôt fluide, tantôt combative. L’océan se manifestait uniquement pendant la parenthèse des vacances pour Julie. Née dans l’Oise, elle grandit loin de ceux qui vivent le défilé des embarcations. Sans codes, avec pour seul guide son ventre, qui appelle sourdement à fendre la bise. À force d’insistance auprès de ses parents, elle navigue son premier optimiste à 7 ans et déroule son sillon en école de voile dès 10 ans, et les premières régates, où les filles se comptent sur trois doigts. Elle pilotera ensuite un laser en école de sport, bateau phare de la discipline olympique.

Jusque-là, elle est l’unique fille dans un milieu de garçons, partage avec eux le seul vestiaire, et navigue avec sa bande de copains sans véritablement se poser - ni sentir - la question de la différence. Le club est une seconde maison, une deuxième famille.

“ Quand je vis dans l’océan, cet élément qui n’est pas le mien, je redeviens presque animale. Sur un bateau, il faut savoir se débrouiller sur tout, la météo, les bobos, le bateau... Faut être un peu superwoman”. La messe est dite. Quant à se faire peur, ce n’est pas dans sa recette personnelle de l’aventure, mais sortir de sa zone de confort est fondamental. “Pour moi, l’aventure commence dès que je pars de chez moi”.

On s’imagine aisément serein face à une mer calme. Mais quand la mer se montre hostile ? “Souvent je me dis ‘qu’est-ce que je fous là ?’. C’est vrai qu’il faut être un peu maso pour se mettre autant en insécurité !” Une fois le coup de chaud passé, les sens galvanisés, le débrief autour d’une bière laisse se déverser toute l’adrénaline d’un moment, où chacun épanche ses états, où les vibrations de l’équipe se recoupent dans le récit encore excité. “On se sent super vivants.” On y croit volontiers.

Océan bleu, océan rose

Pendant ses douze années d’aventure en convoyage, expéditions polaires, voyages au long cours, Julie emmène sur le pont sa joie immense. “Je suis tellement heureuse et passionnée, et en même temps je ne me laisse pas faire”. Julie a écopé de son lot de remarques-réflexes, de préjugés, et fait face à la bêtise de croyances limitantes. À raison : Julie fait partie d’une minorité peu visible, jusqu’au nom de son métier - marin- dont le féminin est exclu. Dans les clubs de voile en France, moins de 30 % des licenciés sont des femmes, qui, si elles commencent jeunes, s’arrêtent passée la majorité. Dans le monde, ce chiffre pousse péniblement aux 2 % de marins professionnels, qui retombe comme soufflé lorsqu’elles deviennent mères.

Même quand t’as envie, il y a si peu de représentations que c’est dur de se projeter. On se dit qu’on ne va pas réussir à conjuguer toutes les vies, car c’est un métier très envahissant”. À 12 ans, l’arrivée du Vendée Globe d’Ellen MacArthur provoque chez elle un raz-de-marée. Elle se promettra de vivre dans sa vie des émotions aussi intenses, la navigation en intraveineuse.

Un vent de changement

Dans le Finistère, nid de marins et d’explorateurs, Julie développe désormais son métier de coach avec son entreprise “Les Marinettes”, en hommage aux premières femmes marins, longtemps maintenues à des tâches subalternes.

Le but ? Faire en sorte que chacun soumette son corps aux sensations du monde bleu et se sente à sa place sur un bateau. Oubliez le coaching teinté de “girl power”, Julie coache tout le monde. D’ailleurs, ce sont souvent des hommes qui appellent Julie en vue d’un projet de voyage. Au-delà d’un combat féministe, c’est le plus souvent un rééquilibrage du rôle de chacun sur un bateau qu’il en va, essentiel pour la sécurité et pour l’entente de l’équipage, contraint à la promiscuité. “Pour l’instant, je n’ai aucun divorce dans mes coachings !”. Et ça, ça vaut tous les PowerPoint de bilan. Julie accueille aussi des femmes seules, destinées à s’accomplir sur l’océan. Le travail individuel leur permet d’appréhender les manoeuvres et d’aborder des questions techniques et intimes pour que se hisse bien haut la voile nommée confiance, au mât de l’autonomie.

Et la reconnaissance afflue. Tous les jours, Julie reçoit des messages de femmes avides de conseils, d’aventures, et de représentations. Faire communauté, c’est le nouveau challenge de Julie. “Je sème des Marinettes, qui montreront à d’autres femmes”.

Marinettes, gardez le cap. De la liberté.


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Edito : Marie Lachat
Photos : Anne Beaugé
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