Pépite #05 - Fabrice, chef d’atelier de réparation outdoor en Haute-Savoie

 


Petit trou deviendra grand qui menace l’esthétisme et la performance de notre matériel d’aventure. Cette béance dans nos vêtements préférés, on peut choisir de l’arborer fièrement, l’air nonchalant, car après tout, « c’est que du matos ». Mais l’époque impose que l’on rafistole à l’envi, que l’on répare pour s’extirper de la folie du rachat-en-un-clic. Encore faudrait-il savoir manier l’aiguille et la machine à coudre avec dextérité. Fort heureusement, c’est la mission que s’est donnée Fabrice Pairot de Fontenay : panser les plaies et donner une seconde vie à nos équipements : textile, velcro, membrane de sac à dos, GoreTex, chaussons d’escalade, tout passe entre les mains expertes de son équipe. Un savoir-faire sans cesse actualisé pour s’adapter aux dernières technologies des grandes marques de l’outdoor en Haute-Savoie. Une collaboration solide, sans colle ni rustine.

Atelier cordonnerie (crédits : Manon Guenot)

Vous avez de la chance d’être ici”. Une rengaine que l’on souffle régulièrement à l’oreille de Fabrice depuis qu’il est venu s’installer dans la Vallée de l’Arve, à quelques kilomètres de Chamonix. Ski de randonnée, escalade, VTT, trail et parapente, il a rapidement pris le pli et engrange tout l’attirail d’un gars de la Vallée.

Fabrice a dédié sa carrière à l’environnement et à la nature, allant jusqu’à passer son diplôme d’état de canyoning entre deux postes à responsabilité. S’il ne se dit pas militant, il ne ratiboise pas ses convictions, franches comme son regard, tirées de son mode de vie et pleinement incarnées dans son dernier projet : Green Wolf. Son petit atelier de réparation est un hurlement pionnier qui tranche avec la boulimie consumériste du monde outdoor, pris d’achats compulsifs selon la saison, l’activité, ou le pantone retenu en semaine impaire. Le mot d’ordre est la réparation, réflexe salutaire pour nos vestes tant aimées, comme pour la planète.

L’histoire du loup vert commence à Sallanches. Fabrice intègre l’entreprise Mont-Blanc Insertion, qui contrôle essentiellement des pièces usinées, afin de développer une nouvelle branche de réutilisation de pièces outdoor. Fin 2015, le projet ne prend pas, Fabrice propose de poursuivre l’aventure accompagné d’une couturière. Pas trop de deux pour faire une meute.


Rafistoler pour durer

Fabrice nous accorde un moment en plein coup de feu. “La pleine saison pour nous, c’est la fin de l’hiver”. La demande est croissante et l’entreprise ne manque pas d’ambition. Au milieu des robustes machines à coudre et des stocks de matériel, une équipe s’active. Tout semble se dérouler comme dans une fourmilière où oeuvrent les réparatrices du minuscule pour un projet colossal. Green aunts.

En plus de deux couturières, une cordonnière a rejoint l’atelier de 100m2 au rez-de-chaussée de l’ancienne mairie de Servoz. Green Wolf, tremplin des métiers manuels au féminin ? Pur hasard, nous répond Fabrice, sourire aux lèvres. D’ailleurs, une nouvelle et un nouveau - enfin ! - rejoignent l’entreprise dès septembre, obligeant une prochaine recherche de locaux.

Leur mission in extenso : changer les habitudes de consommation et d’usage dans l’outdoor pour aller vers un modèle de sobriété. Le fruit de remises en question, la clé selon Fabrice, désormais acteur du changement. Et si Fabrice développe sa petite entreprise au fil des années, c’est qu’il y a de la demande ! Sans se leurrer pourtant, il nous confie que cette activité de réparation n’est pas forcément le fruit d’une évolution des mentalités, mais plutôt un choix économique rationnel propre au secteur de l’outdoor : les pratiquants prennent davantage soin de leurs équipements que les prix d’achat neufs sont élevés.

Une cordée de loups

Faire corps. Fabrice ne travaille pas pour, mais avec les enseignes. “On répond à un vrai besoin, le lien se fait naturellement avec les marques”. Pas un prestataire donc, mais un partenaire avec qui travailler main dans la main.

Les premiers pas du loup vert se sont faits dans les coulisses des marques, assurant leur SAV. Puis les demandes des particuliers pour de l’équipement en mal de garantie ont commencé à affluer. Dans un double élan, Green Wolf s’adresse désormais aux montagnards locaux tout en préemptant le marché européen de l’outdoor, travaillant aux côtés des marques de renom du tissu chamoniard : Salomon, Picture ou encore Norrona.

Les couturières de Green Wolf et les ateliers des grandes marques élaborent ensemble des prototypes ou des ateliers de réparation mobiles. Ses employées, qu’il appelle “les reines”, vont sur site pour se former, discuter des contraintes rencontrées et de possibles améliorations. Comme en cordée, la réflexion est collective dans l’ascension. Cette arantèle d’altitude signe une synergie de l’effort, de la solidarité et du moins-mais-mieux.

Une prochaine prise ? “J’aimerais bien faire du néoprène”.
Là, c’est le guide de canyoning qui parle.


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Edito : Marie Lachat
Photos : Manon Guenot & Green Wolf
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